Beau Brummell

La beauté, qu'on se le dise, rime avec Brummell. Ou, sinon, la beauté, du moins la Beautelle. Rime pauvre, je vous l'accorde. Mais rime néanmoins.

On n'a jamais rien fait de plus beau que Brummell. Même Aristide Bruant ne lui arrive pas à l'ombre de la moustache.

Plus qu'une simple fachon victime, George Bryan Brummell est l'élégance fait homme, envoyé sur Terre pour porter la bonne parole de la cravate et de la mise en plis à une humanité souffreteuse vêtu de guenilles grotesques. Ce n'est en fait point d'une victime dont il est question ici, mais bien d'un bourreau, qui, d'un geste étête le laisser-aller ancien au profit d'un hélas encore trop rare raffinement. Ce roi des dandys, ce prince guillotineur, ce boucher-tripier de la mode masculine, n'est pas qu'apparence et vanité ; il est arrogance et fatuité aussi et c'est ce qui le rend plus beau encore.

Arbitre de métier du jeu des apparences, le beau Brummell a logiquement décidé, un beau jour, de partir s'installer en France pour y instaurer son règne de terreur vestimentaire. Après plusieurs années de vilenies, le beau Brummell mourut1, poignardé par Louis-Napoléon Bonaparte qui devint aussitôt le premier empereur président moustachu des Français.

1. D'un point de vue métaphorique. La mode passa et le roi des dandys devint un simple imberbe anonyme dans les salons où l'on se montre. Pauvre Brummell !