Ailleurs

Ailleurs est plus beau que demain. Ailleurs c'est cet autre ici que l'on nomme là-bas, là-haut, là-ni-trop-haut-ni-trop-bas, selon l'endroit où l'on se trouve. Mais quoi qu'on fasse, courir, nager, voler peut-être, jamais nous ne pouvons atteindre cet Ailleurs grand seigneur.

La distance qui nous sépare de l'Ailleurs va croissant avec le temps qui passe. Jusqu'où s'arrêterait-elle s'il n'y avait l'infini supposé de l'univers ? Car l'épicerie du coin, reflet fugace de l'exotique empli d'épices, d'opium, de drogues parfumés et de clous de girofle, n'est plus ailleurs depuis la mise en place d'une nouvelle ligne de bus jusqu'au centre-ville.

L'automobile, toujours elle, engin d'exploration des voies communales, nationales et transcontinentales, nous transportent de-ci, de-là, tanguant, nous chahutant, nous balançant de droite à gauche. Oui, le mal du pays c'est surtout, pour le chauffard aventurier, une question de mal de mer. Cette automobile donc nous éloigne de plus en plus de l'Ailleurs, idyllique jardin par-delà le mur de nos existences, puisqu'en voulant l'atteindre elle le rejette violemment vers les ténèbres de l'inconnu, géographiquement parlant.

La vérité, il faudra la chercher ailleurs, d'ailleurs. Triste programme tout de même de toujours partir en quête d'une chose en-dehors de l'espace où nous sommes. Non, la vérité c'est ici qu'il faut la chercher. Bernées par le voyage et les chevaux moteurs d'une vieille traction avant, les croisières noires et jaunes se sont avérés être des échecs du bon sens. La marche, la bicyclette, l'exploration gratuite à seule fin de lier d'un fil fraternel les ici des quatre coins du monde assureront, à n'en pas douter, l'avenir de l'espèce humaine ; oublions la rationalisation de l'Ailleurs, lui si beau et si sauvage.